Décentralisation

Extrait du discours de François Hollande    –  Thème : la réforme des collectivités territoriales

 Pour être mieux informé des réformes à venir, il ne semblait pertinent de mettre à votre disposition cet extrait.

 

« Je propose donc, que le prochain texte sur la décentralisation, que la ministre prépare, aille jusqu’au bout de la logique qui était contenue dans les premières lois de décentralisation. C’est à dire les blocs de compétences. C’est le seul moyen de reconnaître la pleine responsabilité des élus, mais aussi de mettre un terme aux doublons en matière de fonctionnement de service.

 La loi devra clairement confier aux régions l’ensemble des attributions qui sont encore celles de l’Etat en matière de formation professionnelle, d’orientation et de mise en cohérence des politiques de l’emploi au niveau territorial.

 De la même manière, l’Etat laisserala Régionavoir vocation à piloter l’ensemble des politiques conduites en matière d’emploi et de formation pour qu’il y ait le meilleur lien entre les qualifications qui sont proposées et les besoins des entreprises.

 Aux régions, sera également transféré l’ensemble des politiques territoriales en matière d’aide et de soutien aux PME. Les régions le font déjà depuis longtemps. Elles devront bénéficier d’instruments nouveaux pour conduire ces politiques.

 Le premier de ces instruments serala Banque Publiqued’Investissement. Certes, elle sera nationale, mais il sera possible de mutualiser ses moyens avec ceux des régions pour créer un guichet unique et une instance de décision présidée par le Conseil régional.

 La Banque Publiqued’Investissement et les régions seront associées pour agir en direction des PME, de l’innovation, de l’investissement et de l’exportation.

Le second instrument, qui sera mis au service des régions, ce sont les fonds structurels européens. Rien ne justifie qu’en France, à l’inverse de tout ce qui a lieu chez nos voisins, ce soit l’Etat qui assure la gestion de moyens, dont l’objet même est d’aider les territoires à conduire leur développement. La gestion par les régions sera plus économe, plus rapide, au moment où il nous appartient, en plus, d’aller chercher les ressources que le plan de croissance, adopté au mois de juin, nous permet d’espérer.

 Ce mouvement de décentralisation, de clarification en direction des régions, sera aussi conduit vers les départements qui se verront confier l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance, hors du champ de l’assurance maladie.

 Ce transfert imposera néanmoins, de définir un financement suffisant et pérenne aux Conseils généraux.

 Enfin, l’Etat devra partager avec le bloc communal, la responsabilité de la transition énergétique.

 Telle est la conception que je porte devant vous, de cette nouvelle étape de la décentralisation.

Nous pouvons encore améliorer, approfondir, élargir. Mais voilà les bases sur lesquelles je voulais que nous rentrions en discussion.

 Le troisième principe, après ceux de la confiance, de la clarté, c’est la cohérence. Un débat s’est ouvert depuis plusieurs années sur l’opportunité de supprimer un niveau d’administration  locale. A un moment, la commune a été mise en cause. C’était dangereux, pas tant pour les communes que pour ceux qui en avaient eu l’idée, car chacun a fini par considérer que la commune était irremplaçable ! Surtout au moment où notre pays a besoin, plus que jamais, de resserrer le tissu social, que ce soit dans l’espace rural ou dans les quartiers de nos villes.

 Aujourd’hui, c’est le département qui est sur la sellette. Trop vieux, trop archaïque, trop dépassé. Je ne suis pas un défenseur d’une collectivité parmi d’autres. Chacun doit avoir la lucidité de regarder les évolutions qu’il convient d’accomplir.

 Des arguments en termes d’économie sont souvent avancés pour supprimer un échelon. Il ne résiste pas à l’examen dès lors qu’il n’est pas question d’abolir les compétences que cette collectivité exerce.

 A part diminuer quelques dizaines d’élus, où est l’économie ? Quant à la simplification espérée, elle aboutirait à l’éloignement le plus souvent de nos concitoyens par rapport aux décisions prises sans effet sur l’efficacité même du service rendu.

 Ainsi, à mes yeux, le problème n’est pas tant le nombre d’échelons. D’ailleurs, lorsque je regarde chez nos voisins, c’est à peu près le même nombre que je retrouve sous les appellations différentes. Le problème, et regardons le franchement, c’est la répartition des compétences et c’est la gouvernance de nos territoires. C’est cela que nous devons changer.

 Il n’est pas question de remettre en cause la clause de compétence générale, qui est un principe fondateur des collectivités locales depuis l’origine dela République.

 Pas question non plus de revenir sur l’absence de tutelle d’une collectivité sur d’autres.

 En revanche, l’objectif, c’est d’identifier clairement la collectivité responsable d’une politique de façon à faire en sorte que toute autre collectivité qui en aurait l’envie, ne puisse intervenir que dans le cadre qui aura été fixé par l’autorité qui en a eu compétence. C’est le principe du chef de file, prévu déjà, dans la constitution. C’est l’article 72.3.

 Il existe en matière économique. Si un département, une ville veut accorder une aide directe aux entreprises, il ne peut le faire que dans le cadre déterminé par la région, garante de la cohérence générale des dispositifs.

C’est ce principe du chef de file qu’il faut étendre à tous les domaines de l’action locale.

 Je pense aux transports, aux déplacements, ou l’on sait bien qu’il est nécessaire d’articuler ce qui est décidé dans les villes, les départements, les régions. Pour le logement, pour la formation et même pour la jeunesse, nous avons besoin d’une volonté et ensuite de modalités pour intervenir.

 Dans certain cas, c’est la loi qui fixera la règle. Elle ouvrira aussi une autre possibilité qui serait de laisser les collectivités s’organiser et décider en commun par un pacte de gouvernance territoriale.

 A chaque grande politique correspondrait une seule autorité qui fixerait les modalités et l’action qui peut être déléguée à d’autres collectivités.

 Cette organisation peut varier en fonction des territoires, des régions. Compte tenu des spécificités ou de la taille d’un certain nombre de collectivités. Ce n’est pas la même chose d’avoir des agglomérations de taille importante dans un département ou de ne pas en avoir.

 Enfin,la Francene peut plus occulter la nécessité d’organiser nos grandes agglomérations urbaines. Nous voyons émerger, depuis plus de trente ans, des métropoles de niveau européen, parfois autour d’une grande ville centre, parfois autour d’un réseau de villes qui tissent entre elles des liens de solidarité et de projet. Paris, Lyon, Marseille sont déjà concernés. Mais d’autres pôles urbains veulent aussi prendre en main leur développement et leur rayonnement en articulation avec les régions. Je considère que le temps est venu de leur en donner les moyens.

 Je propose donc de créer un statut de métropole qui ira au-delà des établissements publics actuels et pourra exercer l’ensemble des responsabilités du développement urbain en bénéficiant des transferts de compétences de l’Etat ou dela Région. Lefait métropolitain figura donc dans le prochain projet de loi.

 Le dernier principe, c’est la démocratie. C’était l’idée de la décentralisation : rapprocher la décision des citoyens, favoriser leur participation, renouveler les pratiques. Elle a pour partie atteint ses objectifs. Mais une distance s’est aussi créée. Elle se mesure aux taux d’abstention constatés lors des élections locales. En outre, notre pays connaît plusieurs situations, pour ne pas dire des anomalies qu’il nous appartient de corriger.

 Nous devons prendre la démocratie, j’allais dire au sérieux, non pas comme un accompagnement nécessaire, mais comme l’objectif du pacte républicain.

 Je suis préoccupé comme vous par l’abstention aux élections locales, par la multiplication des scrutins, qui d’ailleurs, renvoie à la question des compétences enchevêtrées, à l’absence de clarification, à une forme d’illisibilité de l’action publique.

 Voilà pourquoi une loi de décentralisation n’est pas une loi simplement pour que l’Etat se débarrasse d’un certain nombre de compétences. Au contraire, c’est pour qu’il y ait plus d’efficacité, plus de rapidité, plus de proximité et plus de démocratie.

 Il y a des situations qui méritent des réformes ou des corrections.

 La première évolution qu’il faudra accomplir, c’est de revenir sur la question du conseiller territorial. Elle n’a pas eu le temps de rentrer en vigueur, elle a été incomprise et donc elle n’a pas été acceptée.

 Personne ne saisissait s’il s’agissait de changer un mode de scrutin par opportunité ou s’il s’agissait, à travers cette élection, de fusionner deux assemblées tout en maintenant deux collectivités. Personne n’y est parvenu, donc le conseiller territorial sera supprimé. Mais dès lors que l’élection de ce conseiller n’est plus envisagée, deux questions se posent : la première c’est la date des élections régionales et départementales. Là aussi tâchons de faire simple. En 2014 sont d’ores et déjà prévus trois rendez-vous électoraux : les élections municipales, le renouvellement du Parlement européen et les élections sénatoriales. Je considère que pour le respect de nos concitoyens et de nos assemblées concernées, il est préférable de reporter à 2015 l’organisation des deux consultations le même jour : régionales et départementales. J’ai donc demandé au gouvernement de procéder à une concertation pour confirmer ce calendrier.

 Reste la question du mode de scrutin des élus départementaux. Là encore, une concertation est prévue avec l’Assemblée des départements de France. Mais, permettez-moi d’indiquer ma préférence, elle ne vous oblige pas. Nous sommes dans des Etats généraux, c’est vous qui aurez le dernier mot. Je connais bien nos territoires et notamment le département. Je considère qu’il y a besoin d’un ancrage territorial et en même temps qu’il y a une exigence de parité. C’est avec ces deux principes que nous trouverons le mode de scrutin opérant.

 La seconde évolution porte sur l’intercommunalité. Les budgets qui sont aujourd’hui votés dans ces structures justifient que les conseillers communautaires soient élus au suffrage universel, en même temps que les conseillers municipaux. Là encore, ma préférence va à un système de fléchage qui permettra aux citoyens de savoir, au moment du vote, quels seront les élus qui siègeront au Conseil communautaire sans avoir besoin d’un scrutin distinct de l’élection municipale.

 Enfin, la troisième situation qu’il convient de corriger, c’est le cumul des mandats. C’est une demande forte des français de le limiter. C’est un engagement que j’ai pris devant eux. La commission présidée par Lionel JOSPIN sur la rénovation de la vie politique et de la vie publique me remettra ses conclusions au début du mois de novembre. Là encore, le gouvernement engagera une concertation avec les élus et les partis et un texte sera présenté au Parlement au printemps 2013. Ce sera, si la loi est votée, un facteur de renouvellement et de modernisation.

 Chacun doit bien comprendre que, si nous allons dans ce sens, il faudra tirer une autre conclusion : c’est parce que l’exercice d’un mandat est une tâche noble, exigeante, que les élus doivent avoir les moyens d’exercer sereinement leurs missions. C’est le sens du statut de l’élu. La limitation du cumul des mandats, la fin du cumul des mandats, sera aussi la meilleure manière de justifier le statut de l’élu. J’estime que c’est une condition indispensable pour faciliter l’accès des salariés du privé, des jeunes, aux responsabilités locales. J’assume le renforcement des droits sociaux des élus et les moyens qui doivent leur permettre de concilier la vie professionnelle et l’exercice d’un mandat. Le risque, sinon, c’est l’affaiblissement de notre démocratie locale et l’appauvrissement, s’il en était encore besoin, de la diversité de la représentation du pays. »

 

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